Dagnaud, ferme ta gueule !

On a lu la lettre laconique adressée « aux riverains du quartier Stalingrad » par le maire socialiste du 19e arrondissement, François Dagnaud. On l’a lu et on a bien rigolé. Ce qui serait suffisant si cela ne concernait pas des centaines de personnes triées comme des déchets par ce président du Syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères de Paris, ses adjoints de la Propreté de Paris et – les éboueurs indispensables de la matière humaine – les flics.
Le roi des ordures tient à nous informer que les campements de migrants dans « nos » quartiers « s’installent chaque fois dans des conditions d’insalubrité et de précarité humainement choquantes et très critiques sur le plan sanitaire ». C’est comme ça, on ne cesse de nous informer que la Préfecture d’Île de France « a fini par organiser une très lourde opération de mise à l’abri ». Pour ceux qui passent un peu de temps aux alentours de l’avenue de Flandre et du boulevard de la Villette, la « lourdeur » de ces opérations de mise en camionnettes des flics ne laissent aucun doute : des dizaines de personnes lourdement tabassées, chassées comme des rats pour que la Propreté de Paris puisse entreprendre sa mission hygiénique : « rétablir un minimum de salubrité ». Pour ceux qui voudraient assister à ce triste et, accordons-le à notre roi, très lourd spectacle, il se joue assez régulièrement, tous les deux jours.
Mais ne vous inquiétez pas, car Dagnaud a déjà informé Emmanuelle Cosse, Ministre du Logement, et Bernard Cazeneuve, Ministre de l’Intérieur, de « l’urgence de la situation ». De plus, la Maire de Paris va ouvrir « deux camps humanitaires aux normes internationales » pour que « les trottoirs de Paris ne soient plus une étape obligée des parcours migratoires ». Ce qui n’est pas dit par notre hygiéniste, pourtant, c’est que pour lui et pour l’État en général, les parcours migratoires consistent en l’obtention de l’asile pour quelques poignées (les « réfugiés »), et les centres de rétention et l’expulsion pour la vaste majorité des migrants – les « camps humanitaires » n’étant qu’une étape du tri par lequel ces deniers sont séparés des premiers.
Comme si derrière cette prise en charge des migrants par les services de l’État il n’y avait pas une machine entière qui profite de ces « parcours migratoires » : des contracteurs privés qui construisent les centres de rétention, ceux qui y sont chargés de l’entretien, ceux qui transportent et expulsent des gens comme du bétail humain, ceux qui investissent dans les infrastructures d’enfermement et d’expulsion, ceux qui balancent les sans-papiers (les syndicats et la CGT entre autres) et qui peignent à cette machine un visage « humain » (les associations humanitaires et caritatives).
Et, disons-le parce que c’est important, comme si le fait que des masses de gens pourrissent dans la rue n’était pas du fait de l’État, qui décide qui a et qui n’a pas le droit d’exister dans « nos » quartiers, dans « nos » pays, à l’intérieur de « nos » frontières. Comme si le fait de ne pas avoir un abri -migrants ou non- n’avait rien à voir avec le fait qu’afin d’avoir un toit sur la tête, il faut d’abord se prosterner devant un employeur et ensuite devant un propriétaire – tous les deux gardant le droit divin de nous envoyer nous faire foutre.
Pour résumer, si les campements des migrants dans « nos » quartiers « s’installent chaque fois dans des conditions d’insalubrité et de précarité humainement choquantes et très critiques sur le plan sanitaire », ce que nous promet l’État et ses larbins comme Dagnaud annonce des conditions peut-être plus salubres (on pense aux fameux containers calaisiens, sans cuisine ni eau), mais d’une précarité humainement non moins « choquante » et très, très « critique ».
Alors non, Dagnaud, roi des ordures, nous n’agréons point l’expression de ta considération distinguée. Ce quartier ne nous appartient point, comme il n’appartient pas aux migrants. Il t’appartient, à toi, tes urbanistes et tes flics. Pour quiconque refuse de traiter les masses de pauvres en ordures humaines, tu es un ennemi.
Nous te prions d’agréer, Dagnaud, l’expression de notre volonté sincère que tu fermes ta gueule.

Des riverains quelque peu énervés du quartier Stalingrad qui ne leur appartient pas, en solidarité avec les migrants contre l’État et sa machine à expulser.

Tract trouvé dans les rues de Paris, septembre/octobre 2016

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