«A Hambourg, nous avons vu ce qu’est l’anarchie»

Y a-t-il plus de noblesse d’âme à subir
La fronde et les flèches de la fortune outrageante,
Ou bien à s’armer contre une mer de douleurs
Et à l’arrêter par une révolte ?

Hamlet, Shakespeare

Durant plusieurs jours et autant de nuits, la ville de Hambourg en Allemagne, où les puissants de ce monde se réunissaient à l’occasion du G20, a vécu au rythme de la rébellion et des émeutes. Les chefs d’Etats et leur cour pensaient peut-être, avec l’arrogance de ceux qui gouvernent, que leur rencontre se déroulerait dans l’indifférence et la passivité d’une population soumise et docile ?

Bien au contraire, plusieurs milliers de personnes ont renvoyé à la gueule des flics une part de leur violence quotidienne, et s’en sont pris aux manifestations du capitalisme, avec la hargne d’un orage d’été. Tandis que de petits groupes de manifestants sillonnaient les rues des quartiers, multipliant les foyers d’attaque et d’incendie partout à travers la ville, en mettant le feu aux voitures, en érigeant des barricades et en dévastant les agences du capital – déstabilisant ainsi le dispositif de 20 000 flics chargés de garder le contrôle de la situation –, pendant plus de trois heures des supermarchés et des commerces se sont fait piller, saccager puis incendier et des banques attaquer. Il aura fallu l’envoi des forces spéciales d’intervention de la police pour ramener provisoirement le calme dans le quartier où toute une partie de la population prenait part de différentes manières aux émeutes, en occupant la rue, en ouvrant leurs portes, en harcelant la police…

Les événements de ces derniers jours ne doivent cependant pas éclipser une possibilité toujours ouverte (mais moins visible et que les journalistes se gardent bien d’évoquer), pour ceux qui rêvent d’en finir avec l’existant : la prise d’initiatives autonomes, l’attaque, donc, directe et permanente. Une possibilité qui, dans l’agitation de ces derniers jours (comme par le passé, voir l’encadré), a une fois de plus été saisie à Hambourg. Comme ce feu dévastateur qui a détruit plusieurs voitures de luxe flambant neuves sur le parking d’un concessionnaire Porsche, prolongeant la lutte menée contre les riches et la ville qu’ils construisent dans leur intérêt. Comme cet incendie d’un véhicule du corps diplomatique allemand et celui d’une voiture de flics garée devant un commissariat, prolongeant la lutte contre les ennemis de la liberté.

Tout cela vient nous rappeler que la force de ceux qui veulent lutter pour la liberté ne réside pas dans leur capacité à opposer au colosse de l’Etat un colosse tout aussi grand. Que cette force ne se mesure pas au nombre de personnes qui viennent grossir les rangs d’une manifestation pour affronter des centaines de cerbères en uniforme équipés, préparés, organisés, pas plus qu’à la brutalité qu’ils parviennent à leur opposer dans un combat symétrique. Que cette force ne se trouve pas dans la capacité à agréger des individus en une masse compacte qui tient la ligne. Elle est au contraire dans l’éparpillement d’individus et de groupes autonomes qui s’en prennent, en situation émeutière ou dans la tranquillité de la nuit, de manière décentralisée et imprévisible, aussi bien aux tentacules de la pieuvre capitaliste, aux mailles du contrôle, aux structures étatiques et à ses innombrables institutions, qu’aux comportements et aux mentalités qui exercent et reproduisent la domination.

Chronologie d’attaques revendiquées en vue du G20

Hambourg, 30 mai 2016 : le commissariat en pré-fabriqué du quartier de Rissen est en partie incendié. Les dégâts sont importants.

Hambourg, 6 juillet : deux guichets automatiques de la HVV, compagnie de transports de la ville, sont incendiés.

Berlin, 15 août : la permanence électorale d’un politicard du SPD (socio-démocrates) et l’agence de l’entreprise ‘Krüger’, qui tire profit du contrôle et de l’enfermement des prisonniers, perdent leurs vitres.

Berlin, 8 septembre : incendie d’une antenne radio de la police fédérale.

Hambourg, 23 septembre : des voitures personnelles du chef de police, Enno Treumann, en charge des opérations de maintien de l’ordre lors du G20, ont été détruites par le feu.

Dresde, 3 novembre : un collabo de l’armée part en fumée. Il s’agit d’un véhicule de ThyssenKrupp, entreprise connue pour son implication dans l’industrie de l’armement.

Berlin, 6 novembre : incendie de plusieurs véhicules de la Deutsche Telekom, connue pour apporter un soutien technique et logistique à l’agence de sécurité européenne Frontex.

Berlin, 12 novembre : un collabo de l’armée et des frontières, Thales, perd un véhicule dans un incendie.

Berlin, 23 novembre : Attaque des nouveaux bureaux de l’entreprise de BTP Hochtief.

Berlin, 25 novembre : incendie d’une pelleteuse de chantier à la Cuvry-Brache, symbole de la gentrification

Hambourg, 26 novembre : un groupe d’individus masqués attaquent la « Messe », le pavillon d’exposition qui doit accueillir dans moins de deux semaines un sommet de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). C’est aussi le bâtiment dans lequel doit se tenir le sommet du G20 début juillet 2017.

Leipzig, 6 décembre : trois véhicules de la police municipale (« Ordnungsamt ») sont incendiés sur un parking.

Berlin, 7 décembre : Attaque incendiaire contre le bureau de police de recouvrement des amendes.

Leipzig, 31 décembre : Onze vitres d’un centre pour l’emploi ont été brisées et un engin incendiaire a été jeté à l’intérieur.

Berlin, 25 décembre : Des locaux provisoires de la police municipale (« Ordnungsamt ») sont incendiés.

Brême, 8 février 2017 : Un véhicule de l’armée est incendié sur le parking d’un bureau de recrutement.

Berlin, 28 février : Six voitures de l’entreprise de sécurité privée Securitas sont incendiés à la gare Anhalter.

Berlin, février : L’entrée du bâtiment devant accueillir le vingtième congrès européen de la police est incendiée.

Hambourg , 17 mars : La même nuit, plusieurs véhicules sont incendiés : deux voitures de police, un véhicule des gardes du corps du maire (à côté de son domicile), un car du syndicat de police devant ses locaux.

Leipzig, 5 mars : Pour lutter contre la gentrification, deux pelleteuses dédiées à la construction d’un parking sur un ancien petit parc situé Karl-Heine-Straße sont cramées, et quelques jours plus tard un incendie plus important est causé sur et dans un des bâtiments en construction ailleurs dans Leipzig.

Hambourg, 27 mars : Près du commissariat plusieurs fourgons de police sont détruits par le feu ou fortement endommagés.

Hambourg, 4 avril : Une voiture de l’entreprise de sécurité Securitas est incendiée.

Brême, 1er juin : Une bagnole non sérigraphiée des flics en civil est incendiée.

Hambourg, 5 juin : La façade vitrée de la salle du restaurant d’un hôtel de luxe 4 étoiles a été partiellement détruite.

Brême, 12 juin : Deux voitures de flics en civil, garées sur un parking sécurisé, ont été réduites en cendres.

Hambourg, 12 juin : Une antenne de la station de métro de la Kellinghusenstraße est incendiée.

Leipzig, 15 juin : Sabotage incendiaire de quatre voitures de la municipalité.

Dresde, 29 juin : Une voiture de la société immobilière Vonovia est incendiée.

Flensbourg, 25 juin : Trois voitures de la police fédérale sont entièrement détruites par le feu.

Leipzig, 25 juin : Deux voitures de la gendarmerie sont incendiées.

Iéna, 4 juillet : Les vitres du bureau politique du parti des Verts sont défoncées à coups de pierres.

19 juin : Des engins incendiaires ont été déposés dans des puits de câbles et sur des dispositifs de signalétique le long des rails de la société ferroviaire allemande (DB) dans les environs de Leipzig, Berlin, Hambourg, Cologne, Dortmund et Bad Bevensen (Basse-Saxe), perturbant le trafic ferroviaire pour une grande partie de la journée. La police a fait état de 13 départs de feu sur l’ensemble du réseau ferroviaire.

« Schwarz wie die Nacht, heiss wie die Hölle, und süss wie die Liebe » *

«*Noir comme la nuit, brûlant comme l’enfer, et doux comme l’amour »

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