La préfecture de Paris a interdit, dans le cadre de l’état d’urgence, toutes les manifestations en Ile-de-France car, d’après ses dires les manifestations sont une « cible potentielle d’attaque terroriste ». Celle annoncée du dimanche 29 novembre, place de la république a quand même eu lieu et peut-être que les inquiétudes de l’Etat étaient fondées. Qui sait ? En tout cas, cet après-midi, soudainement, une force mystérieuse nous a piqué les yeux et fait verser des larmes malgré nous. L’émotion de l’union nationale émanant de la place nous transcendant ? Dans de grandes détonations, la place de la république et les manifestant-e-s se sont soudainement et à plusieurs reprises retrouvé-e-s noyé-e-s de gaz lacrymogène en abondance et de manière indiscriminée. Ce qui ressemble bien au risque d’ «attaque chimique» sur lequel nous alertait le premier ministre Manuel Valls – et dont il souhaite nous protéger en nous interdisant de nous réunir dans la rue.
Au cours de cet après-midi, certain-e-s esprits passablement irrités ont décidé de répondre à la bande d’individus armés en uniforme d’où partaient ces attaques déchaînées (des lignes de CRS ont elles aussi vu pleuvoir quelques grenades étatiques sur elles et se sont retrouvées, à leur tour, à tousser).
C’est ainsi que quelques bougies trouvées sur le socle de la grosse statue au milieu se sont mises à voler vers les CRS en chaîne humaine (pour l’environnement ?).
Plus qu’égratigner les robocops de l’Etat, cela a surtout fait hurler au scandale, à l’indécence, qu’il n’y a aucun respect, etc. L’ « affaire » n’aurait probablement pas eu un tel retentissement médiatique si les claque-merdes de l’information ne se livraient pas en permanence à une course au scandale effrénée, nourrie par le voyeurisme par écran interposé dans lequel se complaisent des millions de spectateurs. Peuchêre, ces cafards à carte de presse sont trop convaincus du bien-fondé de leur profession pour qu’on puisse encore leur apprendre les bonnes manières, cela explique en partie sans doute pourquoi, par mesure de prudence, quelques individus avertis ont jugé bon de projeter au sol des caméras de télévisions, ont arraché des perches, ont crevé quelques pneus de véhicules de presse présents sur la place, en somme ont tenté d’empêcher ces journaleux de faire leur travail.
Indécence, comportements indignes, irrespect total, certains sont allés jusqu’à parler de « profanation » (si si promis!). Cela appelle quelques réponses.
Bien sûr, nous ne doutons nullement de la peine de celles et ceux ayant perdu un-e ou des proche-s ce vendredi 13.
Toutefois, l’empathie (s’il y en a) n’est pas inconditionnelle, ni sans limite. Nous aimerions ainsi simplement rappeler qu’il n’est pas anodin de se recueillir ou d’honorer sur la place de la République ses proches défunt-e-s. Il n’y a pas de neutralité ou d’absence de parti pris lorsqu’on choisit d’exprimer et de partager ses émotions sur un monument à la gloire de la République, parsemé de drapeaux nationaux, gribouillé de messages honorant Paris, la France, et la « Liberté ».
Car le petit drapeau tricolore auquel des citoyen-ne-s ont choisi de –logiquement – lui y donner toute sa place, harmonieusement disposé aux côtés des messages, fleurs, etc., est le même que celui apposé sur les flics qui assassinent et terrorisent quotidiennement les indésirables coupables d’être pauvres et/ou dépourvu-e-s du papier adéquat, le même ornant les militaires qui bombardent des populations pour défendre des intérêts économiques ou géostratégiques, hier comme aujourd’hui, c’est celui des frontières assassines annonçant à des milliers de migrant-e-s qu’ils et elles ne sont pas les bienvenu-e-s, c’est celui qui flotte sur les prisons qui tuent industriellement et à petit feu avec la torture de l’enfermement.
Rien n’oblige à aller exprimer sa peine, sa compassion, etc. en un tel lieu si ce n’est une certaine adhésion à la république, donc à l’Etat, sa police, et toute sa violence qui lui sont essentiels.
C’est cet Etat, cette république, ces flics et ce drapeau bleu-blanc-rouge qui à travers les CRS et toute leur armada tiraient dans le tas afin de nous empêcher de manifester notre refus de nous soumettre à l’état d’urgence -au-delà de la question de la COP 21 et du sujet environnemental.
Quand on se fait attaquer, on se défend comme on peut, si l’on fait bien sûr d’abord le choix de se défendre. Et comme dit l’expression, faute de grives, on mange des merles : certains ont donc pris ce qu’ils avaient à disposition. Chaussures, cannettes et autres trouvailles pouvant servir de projectiles. Et entre autres, les fameuses bougies.
Allons citoyens, citoyennes horrifié-e-s, n’en méritent-ils pas ? Ne sont-ils pas, eux, vos vrais héros ?
Celles et ceux qui parlent de « respect » et d’ « indécence » devraient y réfléchir à deux fois avant de dénoncer à la va-vite, voire délaisser le racket émotionnel. En plus d’être une pratique dégueulasse, la manipulation en jouant sur les émotions, on nous l’a assez fait.
Addendum :
Et d’ailleurs, puisqu’on en parle, pourquoi plus généralement le décès de quelqu’un devrait-il se suivre pour les vivants d’un conformisme du chagrin et de la tristesse ? Pourquoi, esprits libres, ne pas laisser une place à la festivité (comme bien d’autres civilisations l’ont fait et le font) dans le deuil ?
Perso, j’ai un oncle qui ne jure que par la pétanque ; s’il venait à nous quitter, je parie qu’il serait joyeusement surpris qu’on fasse quelques parties post-mortem en son souvenir. Ne serait-il pas judicieux et touchant de ramener à sa commémoration un jeu de boules de pétanque ? Les boules bien polies, le jeu des flammes s’y reflétant, ce serait assurément du plus bel effet parmi les chrysanthèmes et autres géraniums !
Et si, par le plus grand des hasards, ceux qu’on traite de « porcs », à savoir les flics, venaient à hostilement s’inviter alors qu’ils ne sont pas les bienvenus, pourquoi ne pas résoudre la situation en leur décernant le rôle du cochonnet ? Ah, on le voit d’ici, ça en ferait rougir d’émotion plus d’un !
De telles volontés pleines d’heureuse d’imagination devraient devenir moins rares. Il faut être prévoyant et attentionné !
Par les temps qui courent, face aux polémistes intéressés, journalistes, politiciens et ministres, garants du statu quo et donc en toute logique en guerre contre le moindre accès de négativité, face à leur éternelle ambition de saturer le quotidien de fausses questions, nous répondrons pour cette fois: rien à péter.