Le 8 juillet 2013 au petit matin, trois personnes braquent une agence de la Aachener Bank à Aix-La-Chapelle en Allemagne avant l’ouverture, se font ouvrir le coffre-fort et repartent avec 42 000 €. Le 19 novembre 2014, c’est au tour de la Pax Bank de la même ville de se faire délester de centaines de milliers d’euros. Les employé(e)s sont ligoté(e)s pour permettre la fuite des assaillant(e)s, il n’y a pas eu de blessé(e)s ni de dommages personnels. Pour l’anecdote, la Pax Bank n’est pas n’importe quelle banque puisqu’elle appartient à l’Eglise et est destinée uniquement aux institutions catholiques (évêchés, paroisses, ordres monacaux, associations caritatives), un double-rôle donc dans l’oppression au nom de valeurs supérieures: la morale chrétienne et la religion du profit.
Finalement, trois anarchistes d’Amsterdam et de Barcelone sont arrêté(e)s à différents moments en 2015 et 2016 avec des mandats d’arrêt européens, incarcéré(e)s en Allemagne et accusé(e)s de ces deux braquages. L’une est accusée d’avoir participé à celui de la Aachener Bank et les deux autres à celui de la Pax Bank. Les indices avancés sont des traces ADN retrouvées dans ou aux abords des banques attaquées, sur un pistolet d’alarme et une perruque par exemple.
Les trois accusé(e)s sont détenu(e)s dans des conditions sévères d’isolement, de contrôle des communications postales, avec des parloirs surveillés en permanence. Pour l’Etat allemand et ses homologues espagnols, ces prisonnier(e)s représentent une menace particulière pour l’ordre. En effet ce sont tous trois des anarchistes actifs en lutte contre ce monde de domination, qui ne se prennent pas au jeu de la collaboration avec la justice, du coupable et de l’innocent (en refusant ces qualificatifs) et qui revendiquent fièrement leurs idées de liberté malgré l’enfermement qui leur est imposé et la pression judiciaire pour les faire plier. La solidarité s’est d’ailleurs fait sentir de l’extérieur, avec des rassemblements devant les prisons où elles/ils sont incarcéré(e)s, des manifestations sauvages à Amsterdam et Barcelone, de nombreuses attaques partout en Europe notamment sur des banques (vitrines et distributeurs pétés par exemple) mais aussi sur d’autres cibles de la domination. Diverses manières de ne pas se laisser intimider et paralyser par la répression, de continuer le combat pour la liberté pendant que certain(e)s sont jeté(e)s en prison pour ces idées, et sans les laisser seul(e)s ni les oublier.
De novembre à début décembre 2016 a eu lieu à Aix-la-Chapelle le procès de l’anarchiste d’Amsterdam accusée du braquage de 2013. On a eu le plaisir d’apprendre le 8 décembre dernier qu’elle était acquittée (peu de preuves, seulement une trace ADN), cependant le parquet a décidé de faire appel. Le procès des deux autres pour le braquage de 2014 vient d’être annoncé, avec 25 dates fixées entre janvier et mai 2017.
Savoir si ces personnes arrêtées sont ou non les auteurs de ce dont on les accuse ne nous intéresse pas, nous ne voyons aucun méfait à juger dans un braquage de banque, mais une belle action d’expropriation. Nous crachons sur la justice qui n’est là que pour défendre le système qui en a besoin, basé sur l’exploitation, la domination, l’asservissement du plus grand nombre pour assouvir la soif folle de profit de quelques uns. La Justice en tant qu’institution ne peut être là que pour maintenir l’ordre établi quel qu’il soit, du plus démocratique au plus despotique (mais ces deux qualificatifs s’opposent-ils nécessairement ? il ne s’agit que de deux manières d’exercer le pouvoir, et celui-ci peut être tout aussi oppressant dans les deux cas).
Le refus du travail, de l’esclavage salarié comme des buts existentiels dominants inculqués par cette société (« gagner » sa vie, si possible s’enrichir et monter dans l’« échelle sociale » d’une hiérarchie qui pue la concurrence) se passe bien des limites de la légalité, qu’il s’agisse de vol à l’étalage ou de fraudes diverses (des allocs, des transports…), du squat de maisons vides ou de braquages. Ces derniers sont d’ailleurs historiquement une méthode utilisée par les révolutionnaires, tant comme acte de révolte en soi, comme attaque contre l’ordre des choses, que pour financer les activités subversives, les tracts et journaux ainsi que les autres attaques contre le pouvoir (on connaît à Paris le cas de la célèbre bande à Bonnot, comme exemple parmi d’autres).
En tout cas, qu’il s’agisse d’une attaque révolutionnaire ou du travail de « professionnel(le)s » dans l’illégalité, prendre ce dont on a besoin là où il y en a sans demander la permission et au besoin par la force, c’est briser les règles du jeu des riches et des pauvres, du (faux) mérite communément admis (qui n’est en fait que le mérite d’être un bon larbin ou d’écraser les autres). C’est s’élever contre la marchandisation de tout et de tous, qui met un prix à chaque chose, de l’herbe sur laquelle on marche (ou n’a pas le droit de marcher, selon les cas) au toit sous lequel on dort (si on en a), de nos vagins à l’énergie de nos bras, de l’eau qu’on boit aux déchets qu’on jette à la poubelle, rendant la vie toujours plus étouffante de calculs pour rentabiliser chaque objet, chaque minute, chaque relation. C’est aussi se libérer du temps pour s’épanouir et vivre vraiment, au lieu de passer sa vie à la gagner. Car l’argent n’a jamais apporté le bonheur, même si en manquer est une plaie constante, et aucun moyen d’en obtenir, plus ou moins choisi, n’est comparable à la satisfaction d’une vie réellement libre et passionnante, pouvoir subvenir à ses besoins directement sans se faire exploiter par quelqu’un d’autre ou patauger dans les rapports marchands.
L’argent est donc une des nombreuses chaînes à briser, et une de taille.