Bienvenus dans la COP 21. Le Spectacle vient juste de commencer. Ils sont pas loin de 50.000, viennent des quatre coins du globe, ils sont protégés par des dizaines de milliers de flics, logés dans les plus beaux palaces, et nourris par la fine-fleur de la cuisine française. Ils nous parlent d’une mission historique, d’un engagement planétaire, d’un effort sans précédents pour sauver la terre. L’objectif de ce colossal événement– cette fois-ci – prendre les mesures nécessaires pour ralentir le réchauffement climatique.
Tout un nouveau juteux business qui se profile, celui du climat : les politiciens, les patrons, les syndicats, les ONG, avec tous leurs milliers d’experts se répartiront le butin : marché de carbone, bonus de CO2, géo-ingénierie, énergies renouvelables, le Capital repousse les frontières de l’imagination, chaque dramatique conséquence de la marchandisation totale de la terre ouvre un nouveau marché, des nouvelles possibilités pour des solutions spectaculaires.
Ainsi, ce sont les mêmes entreprises qui saccagent, pillent, exploitent « des ressources » – humaines, animales, végétales, minérales, eau, terres, mers, fleuves, bois… -qui répondront à la crise qu’ils ont créée par une nouvelle opportunité pour leurs profits. Et encore une fois, en faisant ça, ils se gargariseront de discours sur la responsabilité face á la catastrophe et appelleront la société civile à collaborer, à prendre conscience de la gravité du problème et agir. Et c’est bien celle-là, la merveille du spectacle du Pouvoir, d’avoir non seulement pu manipuler la réalité au point de la rendre insaisissable, mais aussi d’alimenter dans la population cette illusion d’une critique qui servira à le renouveler. Dans chacune de ses kermesses, le Pouvoir trouve l’occasion de renouveler la fidélité du « peuple » et de le modeler à sa façon : et ainsi on les voit défiler, des millions de citoyens indignés, au cri de « paix » et « liberté d’expression » en serrant les rangs des chefs prêts à lancer une nouvelle guerre et des nouvelles mesures répressives, comme en janvier dernier. De la même manière l’Etat nous parle d’accueil, de la « France terre d’asile », alors même qu’il traque, tabasse et déporte chaque jour ceux et celles qui n’ont pas les bons papiers, avec la complicité plus ou moins directe des acteurs humanitaires. Tel dédoublement, ce double visage du pouvoir, est sans doute l’un de ses points de force : en dissociant l’aspect humanitaire de celui de la répression, la catastrophe environnementale qu’il provoque des pseudos-solutions écologiques et vertes qu’il propose, sa propagande de paix de ses campagnes de guerre, il achève l’aliénation du citoyen, désormais sensibilisé envers les ci-nommés « problèmes sociaux et environnementaux ». Et dorénavant, on verra les citoyens participer à la nouvelle mise en scène, défilant indignés car « l’État ne fait pas assez » pour le climat. Et puisque « il faut trouver des alternatives » ils participeront eux aussi au Spectacle, mais en étant tenus à l’écart, et ils contribueront de leur manière au perpétuel renouvellement du pouvoir, avec le fantasme d’une alternative qui serait envisageable sans passer par une rupture radicale et violente de l’ordre économique et social. Mais l’ordre des flics et des organisations humanitaires, des frontières et des prisons, des esclaves et des patrons, des énergies alternatives et des déchets nucléaires, de la démocratie et de ses campagnes de paix, des agro-industries toxiques et de l’élevage industriel, peut bien nous laisser la place pour vivre de manière alternative, consommer de manière alternative, y compris l’illusion de pouvoir tout critiquer librement, au nom des droits humains, animaux, environnementaux… Un jour il nous remerciera des alternatives qu’on trouve et qu’il pourra intégrer dans son marché, pour diversifier l’offre et améliorer son image.
Mais, il y a quelque chose que le Pouvoir ne peut pas intégrer et récupérer : la rupture individuelle et collective de ses règles, de ses valeurs, de son spectacle, de son marché.
Et ainsi, en même temps que des ONG demandent à l’État français d’exclure la multinationale Monsanto des négociations de la COP 21, en en appelant à l’autorité du souverain et de sa cour, des mains inconnues ont incendié, le 5 novembre à La Mézière, à Rennes, le laboratoire de cette multinationale, responsable direct de l’empoisonnement et de la destruction de la terre, de l’exploitation, de la maladie et de la mort de milliers d’êtres humains, de la manipulation génétique du vivant… Briser les vitrines du spectacle, agir à la première personne contre les structures et les hommes de l’oppression, s’en prendre directement à ce qui nous opprime est toujours possible. Chauffons le climat social, que le feu de la révolte puisse rendre insupportable l’air des puissants.